Bientôt l'amiocenthèse pour toutes?

Des médecins veulent généraliser l'amniocentèse

La Société des obstétriciens gynécologues du Canada recommandera le mois prochain que toutes les Canadiennes enceintes puissent avoir accès aux tests d'amniocentèse. Actuellement, seules les femmes âgées de 35 ans et plus peuvent subir ces examens, qui permettent de dépister les anomalies génétiques des foetus, comme la trisomie 21. Pour réaliser une amniocentèse, les médecins introduisent à travers le ventre de la mère une aiguille afin de prélever du liquide amniotique, qui est ensuite analysé pour révéler des données sur le code génétique des bébés. "Nous voulons que les jeunes femmes aient accès à ces tests pour qu'elles aient le choix de mettre un terme à leur grossesse si elles apprennent que leur bébé a des anomalies génétiques", explique le vice-président directeur de la SOGC, André Lalonde.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Jusqu'àmaintenant, les amniocentèses n'étaient pratiquées que sur les Canadiennes de 35 ans et plus pour des raisons de sécurité. "C'est que les risques de perdre un bébé en subissant ce test sont d'environ 1 sur 200. Chez les femmes de moins de 35 ans, les probabilités d'avoir un fœtus avec des anomalies génétiques sont d'environ 1 sur 200. Ça ne vaut donc pas la peine de risquer une amniocentèse", explique la Dre Geneviève Roy, professeure adjointe clinique au département de gynécologie de l'hôpital Saint-Luc.
Mais une récente étude de l'American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) vient de changer la donne. Cette recherche, publiée la semaine dernière, démontre que les risques de perdre un
foetus lors d'une amniocentèse sont bien moindres qu'on ne le croyait.
Les dangers seraient si minimes que l'ACOG va jusqu'à proposer que les amniocentèses soient pratiquées d'emblée sur toutes les femmes enceintes. Mais la SGOC est plus prudente. "Des tests plus simples,
comme des prises de sang et des clartés nucales, devraient tout d'abord être réalisés. Si les résultats sont inquiétants, les gynécologues proposeraient ensuite une amniocentèse à leur patiente", explique
le Dr Lalonde. Les jeunes femmes enceintes se soumettent déjà à ces examens dans plusieurs provinces canadiennes, dont le Québec.
Quoiqu’assez précis, ils n'ont toutefois pas le même degré de fiabilité que l'amniocentèse.
Selon le Dr Lalonde, généraliser l'amniocentèse permettrait aussi de réduire les risques liés à l'avortement. Puisque cet examen peut être réalisé assez tôt pendant la grossesse, soit vers la 13e semaine, les
femmes qui ne voudraient pas mettre au monde un enfant trisomique pourraient se faire avorter rapidement. "Présentement, les jeunes femmes doivent attendre à leur première échographie, à la 18e semaine de grossesse, pour voir si leur enfant est en bonne santé. Si elles ont un enfant malade et qu'elles ne veulent pas le mettre au monde, elles doivent subir un avortement tardif, ce qui est plus risqué", reconnaît la Dre Roy. Mais répandre l'amniocentèse n'a pas que de bons côtés. "Cela va
sûrement amener plus d'avortements, ce qui va susciter de nombreux débats éthiques. Les mouvements pro-vie et pro-choix devraient se faire entendre", prévoit le Dr Lalonde. Le président de Campagne Québec-Vie, Luc Gagnon, se positionne déjà contre cette recommandation de la SGOC. "Nous nous opposons contre tout test du genre qui mène vers un eugénisme, qui mène à l'élimination d'enfants jugés anormaux", critique-t-il. Guy Bourgeault, professeur de bioéthique à l'Université
de Montréal, croit que, au-delà du débat sur l'avortement, la systématisation de l'amniocentèse amènera plusieurs débats. "Par exemple, qu'entend-on par "enfant normal"? Quelle place faisons-nous aux gens anormaux dans notre société? On pourra se poser la question. "



Source : La Presse, 7 janvier 2007


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